Pourquoi les professeur.e.s de la Faculté de droit ont-ils décidé de créer leur propre association et d’obtenir la certification du Tribunal du Travail ?
Le droit de s’organiser et de négocier collectivement est un droit fondamental, internationalement reconnu et garanti par la Constitution. La Cour suprême du Canada a clairement établi que l’article 2(d) de la Charte canadienne des droits et libertés « garantit le droit des employés de véritablement s’associer en vue de réaliser des objectifs collectifs relatifs aux conditions de travail … Cette protection inclut un droit de négocier collectivement. »
L’article 3 du Code du travail du Québec prévoit que « Tout salarié a droit d’appartenir à une association de salariés de son choix et de participer à la formation de cette association, à ses activités et à son administration ». Le corps professoral de la Faculté de droit a décidé de poursuivre ses objectifs collectifs d’amélioration de ses conditions de travail (not in English version, en exerçant le droit constitutionnel de se syndiquer. Cette décision découle notamment du fait que l’Association des professeur.e.s et bibliothécaires de McGill (APBM) peut faire des représentations auprès des instances de l’Université, mais puisqu’elle n’est pas un syndicat, elle n’est pas autorisée à négocier collectivement avec l’Université.
Pourquoi le Tribunal du Travail (TAT) a-t-il accepté notre accréditation en tant que syndicat au niveau de la Faculté?
Le 7 novembre 2022, le Tribunal administratif du travail a décidé que les membres de l’AMPL rencontraient les critères d’une unité de négociation appropriée, les principaux étant une communauté d’intérêts (qualifications et conditions de travail similaires, intérêts communs dans la négociation) et la volonté des employés. Le juge a souligné que l’objectif général du Code du travail du Québec est de favoriser la syndicalisation. Bien que la syndicalisation ne doive pas empêcher l’employeur de gérer son entreprise de manière efficace, il a déclaré que dans le contexte unique de McGill, où il n’y a actuellement aucun autre syndicat pour les professeur.e.s, l’objectif de promouvoir la syndicalisation devient particulièrement important.
Y a-t-il, au Canada, des universités où des facultés distinctes sont syndiquées ?
La « Faculty Association » d’Osgoode Hall est le syndicat représentant les professeur.e.s de la Faculté Osgoode Hall de l’Université York. Elle coexiste avec la York University Faculty Association. Toutes deux sont membres de l’Association canadienne des professeurs et professeures d’Université (l’ACPU), l’organisation qui représente les associations de professeurs des universités canadiennes.
Nous nous inspirons également de l’Association des ingénieurs-professeurs en sciences appliquées qui représente les professeur.e.s de la Faculté de génie de l’Université de Sherbrooke. Cette association est membre de l’organisme provincial le Féderation Québecoise des professeurs et professeures (FQPPU) aux côtés du syndicat des professeures et professeurs de l’Université de Sherbrooke. De même, l’Association des professeurs de l’École Polytechnique de Montréal représente l’école d’ingénieurs de l’Université de Montréal. Elle est également membre de la FQPPU aux côtés du syndicat général des professeurs et professeures de l’Université de Montréal.
Quelle est l’expérience des négociations collectives dans ces contextes ?
Nous comprenons que l’expérience a été bénéfique pour toutes les facultés concernées. Les associations parallèles sont en mesure d’évaluer leurs conventions collectives les unes par rapport aux autres et de poursuivre des objectifs communs au fur et à mesure qu’ils se présentent. Pour citer le site web de l’Osgoode Hall Faculty Association : « Nous entretenons également des relations étroites avec la York University Faculty Association qui, depuis de nombreuses années, contribue indirectement à la protection des conditions d’emploi du corps professoral d’Osgoode » (notre traduction).
La syndicalisation du corps professoral de la Faculté de droit rendra-t-elle l’Université ingouvernable ?
L’administration de McGill conteste la décision du TAT (obtenue en novembre 2022) dans le cadre d’une procédure de « contrôle judiciaire ». La principale objection à l’accréditation de l’AMPL est que la syndicalisation d’une faculté individuelle rendrait l’Université ingouvernable, selon elle. McGill soutient que le nombre d’unités de négociation pourrait se multiplier pour inclure des départements au sein de Faculté, de même que d’autres unités à l’intérieur de certaines facultaires. Pour l’instant, deux autres facultés de McGill ont demandé l’accréditation (Arts et Éducation). Elles sont toutes deux composées de plusieurs départements qui ne cherchent pas à devenir des syndicats distincts. Au total, sept autres facultés pourraient se syndiquer à McGill. Il existe également déjà 14 syndicats non facultaires à McGill, qui représentent la plupart du personnel restant, des assistants d’enseignement aux chargés de cours, en passant par les agents d’entretien et les services d’impression. Dans la décision d’accréditation du TAT, le juge a noté que McGill avait, par le passé, trouvé des moyens de réduire les complications liées à la multiplicité des syndicats, notamment en regroupant parfois les négociations. Le fait que McGill tente au contraire de les éliminer suggère que le véritable objectif n’est pas de réduire le nombre de syndicats, mais d’en avoir aucun.
Les syndicats au niveau des facultés ne compromettraient pas intrinsèquement l’uniformité au sein de l’université. Avec un maximum de dix conventions collectives pour les facultés, les contrats de travail individuels seraient simplifiés et rendus plus transparents et équitables. Effectivement, une série de politiques de l’Université McGill s’appliquent uniformément à toutes les facultés, telles que celles relatives à la liberté académique ou à la titularisation (permanence). Lors des négociations, l’AMPL et McGill ont convenu que l’AMPL serait soumise à la plupart de ces règles, avec des adaptations spécifiques à la Faculté de droit dans le cadre d’une convention collective, telles que la mise en place de procédures de règlement des griefs ou l’institution d’un comité au niveau de la Faculté chargé de prendre des décisions en rapport avec ces politiques. De nombreux règlements de McGill prévoient déjà des exceptions pour les employés syndiqués. De plus, il existe également de nombreux domaines dans lesquels chaque faculté a des politiques et des pratiques distinctes, telles que celles portant sur les salaires, la charge d’enseignement, le programme de cours et la participation à la sélection du doyen. De telles questions peuvent être traitées dans des cadres distincts pour chaque faculté.