MONTRÉAL, le 14 août 2024 – L’Association mcgillienne de professeur.e.s de droit (AMPD) était en Cour supérieure du Québec hier pour demander l’annulation d’une décision ministérielle qui limiterait le droit de l’AMPD de faire grève contre l’Université McGill. Par cette démarche, l’AMPD a voulu défendre le droit de tous les syndicats d’exercer leur droit constitutionnel à la grève.
Après une journée d’audience, la juge Pascale Nolin a pris l’affaire en délibéré, indiquant qu’elle se prononcerait plus tard, probablement d’ici la fin de la semaine.
McGill a été forcée de défendre ses tentatives de limiter les droits de son tout premier syndicat de professeurs dans le contexte du conflit de travail qui les oppose. Le syndicat a débrayé pendant huit semaines plus tôt cette année, tandis que McGill a refusé de tenir des séances de négociation pendant la plus grande partie de l’été. McGill a demandé qu’un arbitre soit nommé pour imposer une convention collective aux parties mais elle a reconnu que dans l’intervalle, les négociations devaient se poursuivre comme à l’habitude et que l’AMPD conservait son droit de grève. L’AMPD a fait valoir que l’objectif de McGill en demandant la nomination d’un arbitre était de saper son droit de grève et de retarder la conclusion d’une convention collective le plus longtemps possible.
« Malgré ses déclarations publiques concernant les progrès réalisés, McGill a dépensé cet été l’argent des étudiants, des contribuables et des donateurs pour embaucher un avocat du centre-ville afin de demander au ministre Boulet de forcer l’AMPD, contre son gré, à se soumettre à un arbitrage obligatoire qui limite son droit de grève », a déclaré Kirsten Anker, vice-présidente de l’AMPD. « Nous nous y sommes opposés en soulignant les progrès significatifs qui ont été réalisés. Notre capacité à reprendre notre grève est la seule raison pour laquelle McGill a accepté de nous rencontrer en août ».
Le comité exécutif d’un autre syndicat de McGill, l’Association des étudiant.e.s diplômé.e.s employé.e.s de McGill (AÉÉDEM), qui a lui-même fait les frais de l’attitude hostile de McGill à l’égard des syndicats, a déclaré que : « La demande d’arbitrage de McGill est tout à fait inappropriée, étant donné qu’elle n’a pas elle-même déployé suffisamment d’efforts pour négocier ».
Le ministre québécois du Travail, Jean Boulet, a également été appelé à défendre sa décision imposant l’arbitrage obligatoire, laquelle limite implicitement le droit de grève de l’AMPD. La Cour suprême du Canada a qualifié le droit de grève d’« élément essentiel d’un processus véritable de négociation collective ».
« Les actions du ministre Boulet sont une menace non seulement pour l’AMPD, mais pour tous les syndicats du Québec », a déclaré le président de l’AMPD, Evan Fox-Decent. « La loi qui autorise l’arbitrage obligatoire a été adoptée pour protéger les syndicats naissants comme le nôtre contre les pressions exercées par les employeurs. Au lieu de cela, la décision du ministre donne aux employeurs québécois un nouvel outil pour écraser les syndicats ».
Madeleine Pastinelli, présidente de la Fédération québécoise des professeures et professeurs d’université (FQPPU), note qu’un règlement négocié est toujours préférable : « Il est déplorable que McGill se tourne vers une demande d’arbitrage plutôt que de prendre le temps de négocier avec ses professeur·es, à plus forte raison dans un contexte où elle s’est montrée si peu ouverte et si peu disponible pour les négociations ».
David Sanders, un organisateur syndical du Toronto Hospitality Workers Union, affilié à la CSN, a commenté : « La liberté académique et le droit de grève sont deux éléments fondamentaux d’une société libre et démocratique. Les professeurs de droit syndiqués de McGill défendent ces deux principes. Compte tenu des défis auxquels sont confrontées les sociétés démocratiques aujourd’hui, j’aurais pensé que McGill adopterait une vision plus large et célébrerait les actions de ses professeurs syndiqués – au lieu de chercher à les priver de leur droit de grève ».